A propos d'Yves Michel...    
         
 

La peinture figurative relève-elle de l’anachronisme ? Tout dépend de l’emploi qu’on en fait. Sans formuler de théorie, Yves Michel nous montre à sa manière, qu’il est toujours possible pour un peintre de regarder autour de soi.
Le matériau de son travail, Yves Michel le trouve dans le quotidien de la vie citadine, fouillant le détail au point de révéler l’étrangeté de notre cadre d’adoption. C’est dans la substance même de notre environnement qu’il puise pour en faire ressortir la nature fréquemment théâtrale et par-là peut-être inquiétante.
C’est donc parfois les entrepôts et les docks désaffectés qui l’inspirent, au même titre que les objets et les vêtements qui définissent extérieurement ce que l’on nomme la vie actuelle, accessoires et clichés culturels entre lesquels se débattent les héros de l’anonymat dont la publicité prétend glorifier le destin.
On retrouve de temps à autre l’ambiance des « road-movies » dans ce surprenant inventaire qui nous laisse, malgré tout une vie au fond du cœur et ce vide, sans être explicite, est souvent suggéré par la composition, les perspectives fuyantes ou l’attitude des personnages représentés.
La suspension subite d’un geste réputé banal confère à ce geste quelque chose de touchant, voire de cocasse selon la situation.
Au-delà des thèmes urbains (et des lieux désertés par l’homme), il affectionne également, dans une même recherche, les drapés sombres et lumineux à la foi, ainsi qu’une forme de « nature morte ». Des sujets que certains estimeraient antipoétiques, Yves Michel sait extraire une atmosphère frontalière de l’onirisme.
La vie apparaît dérisoire, presque irréelle à force de vouloir nous ancrer à l’ornière du réalisme.

Luis Porquet, L'affiche culturelle.

 
     
 

Impossible d’évoquer l’œuvre d’Yves Michel sans parler de sa lumière.
J’ai des souvenirs éblouissants et glacés.
Comme un couteau qui entre dans une plaie.
Des souvenirs qui participent à notre histoire en nourrissant notre mémoire.
Le personnage de mon roman* n’avait pas de visage, il lui a donné un corps.
Un homme peint un garçon et je me reconnais.
Yves Michel m’a beaucoup donné parce qu’il sait prendre et restituer.
Peintre de la banalité sublimée, de l’instant qui s’attarde,
De l’absence qui hante.
Rouille, rail, cassé.
Apôtres des ciels plombés, déchirés de lueurs éphémères,
Trop lourd sur les épaules.
Quai, caisse, parquet. Vestiges du temps sans cesse recyclés.
Les mots s’arrêtent là où l’image commence.
Ou l’inverse.
La romancière se retire quand le peintre entre en scène.
Ou l’inverse.
A nous deux, le monde pour toile de fond.
Ou l’inverse.

Félicie Dubois, Romancière.
* "Le livre de Boz" Balland, 1990.
(voir son site Internet)